« Une ambiguïté significative de cette hésitation de la langue philosophique entre les termes de « méchanceté » et de « perversité », un exemple frappant est celui des différentes versions de la formule grecque traditionnelle – sur laquelle on reviendra : « Nul n’est méchant volontairement. »

Quand Aristote critique cet énoncé, dont on attribue la paternité philosophique à Platon, le mot grec rendu par « méchant » n’est pas kakourgos (qui veut dire « malfaisant », « malfaiteur ») mais ponèros, que certains traducteurs rendent par « pervers », l’énoncé devenant alors : « Nul n’est pervers volontairement. »

Or, ponèros ne veut dire ni « méchant » ni « pervers », du moins au sens moderne, mais « misérable » ou « malheureux ». Ce problème de traduction est plein de sens. En effet, la perversité, ou la méchanceté, n’est-ce pas un malheur, c’est-à-dire, étymologiquement, une « malchance » – le méchant est un « méchéant », quelqu’un qui « tombe mal » ou qui est « mal tombé » en tombant dans le mal –, bref une misère de la condition humaine ? »

"La perversité "de Patrick Vignoles

Misère de la condition humaine