Le faux-self

L’être humain se construit à partir d’un centre identitaire intérieur : un lieu psychique où se relient nos émotions, nos valeurs, nos choix et l’image que nous avons de nous-même.

Chez le pervers narcissique, ce centre intérieur est déficient : il ne peut pas s’appuyer sur son monde intime pour se sentir exister.

Là où les autres se vivent de l’intérieur, le pervers narcissique doit se fabriquer de l’extérieur.

Pour combler ce vide identitaire, il développe une construction artificielle basée sur les canons  de la conscience collective ;  la bienséance, perfection, gentillesse , etc :     le faux-self

Le faux-self est une façade identitaire palliative à une structure interne déficiente. Elle composée de :

  • qualités empruntées (courage, force, altruisme…)

  • modèles sociaux idéalisés (héros, penseur, sauveur…)

  • comportements appris et calculés

  • mise en scène permanente

Ce self n’est pas vécu, il est performé.

Le PN endosse le masque qu’il voudrait être.

Il incarne un rôle, mais n’a pas accès à la substance émotionnelle de ce qu’il prétend être.

Le faux-self - façade identitaire phantasmée

Une identité « par collage »

Comme il ne peut pas intégrer ses expériences internes, il construit son identité en copiant des références extérieur. Il ne s’identifie pas à ce qu’il ressent, mais à ce qu’il affiche.

Le regard de l’autre : oxygène narcissique

Sans regard, il n’existe pas.

Le faux-self doit constamment être :

  • vu

  • admiré

  • envié

  • redouté (à défaut de respect)

C’est pourquoi il cherche une proie : quelqu’un qui va le valider, le nourrir, le refléter.

L’autre n’est pas un partenaire :  c’est un miroir animé.

Si le miroir cesse de renvoyer l’image attendue →
effondrement narcissique → colère → attaque → dévalorisation

Dans Blanche-Neige, la reine n’existe que dans la confirmation extérieure de sa beauté.

  • Elle a besoin du miroir pour savoir qui elle est

  • Si l’image est confirmée → elle va bien

  • Si l’image est menacée → elle devient destructrice

Le miroir = le regard de l’autre
La beauté = le faux-self (qualité empruntée, idéalisée)

Ce n’est pas une question d’esthétique, mais de survie narcissique :

« Si tu ne me renvoies pas l’image parfaite,
c’est toi que je dois éliminer. »

C’est exactement ce que vit le PN lorsque sa façade se fissure.

ò Miroir, gentil miroir dis moi qui est la plus belle ?

Lorsque Napoléon se couronne lui-même empereur (Notre-Dame de Paris, 1804), il envoie symboliquement un message :

« Je ne tiens ma légitimité de personne.
C’est moi qui décide de ma propre grandeur. »

Dans une lecture « narcissique » (non clinique au sens psychiatrique) :

  • il s’arroge la grandeur sans demande de validation

  • il supprime le médiateur (l’Église, Dieu)

  • il incarne seul le pouvoir et sa propre image

C’est le fantasme du PN :  être son propre miroir, son propre garant identitaire.

Mais — et c’est là la différence avec le PN pathologique :

Napoléon a réellement bâti quelque chose
(une œuvre, un système, une histoire)

Tandis que chez le PN :

  • la grandeur est vide

  • la construction est façade

  • l’image remplace l’être

Le sacre de Napoléon : auto-désignation de la grandeur

Comme référentiel comportemental interne

Il se dit intérieurement : « Pour paraître courageux, voilà comment je dois me comporter. »

  • Il imite des comportements attendus

  • Il copie des attitudes sociales valorisées

  •  Il fait du role-playing psychique

C’est appris, calculé, stratégique.

Comme image de soi interne

Mais sans ressenti associé.

« Je suis courageux parce que c’est l’image que je dois avoir de moi. »

  • Il se raconte une histoire sur lui-même

  • Il s’identifie au personnage plutôt qu’à une expérience intime

  • Il confond symbole et substance

Comme image publique / estime externe

C’est là le plus important pour lui :  « Je vaux quelque chose si les autres reconnaissent ce personnage. »

  • Il exige l’admiration

  • Il surveille les réactions

  • Il attaque toute dissonance

Son estime de soi ne vient pas de lui :  Elle dépend entièrement du regard extérieur.

Le PN utilise ces « étiquettes identitaires » sur trois niveaux en même temps :

Le faux self du pervers narcissique s’appuie sur un système identificatoire externe, constitué d’éléments empruntés : normes sociales, traits valorisés, postures morales.

Ces contenus ne sont pas vécus affectivement :

  • aucune cohérence interne,

  • aucune continuité personnelle,

  • aucune adhésion émotionnelle ou idéologique.

Ils fonctionnent comme un catalogue d’attributs instrumentalisés pour maintenir l’admiration extérieure et la cohésion narcissique.
Le sujet ne se soutient pas psychiquement de ces valeurs : il s’en sert pour être vu, non pour être.

Des étiquettes comme référentiels comportementaux

Le faux-self est au cœur du fonctionnement pervers narcissique.

Sans le regard de l’autre, le PN s’effondre ;
sans masque, il n’existe pas.

Il est condamné à vivre hors de lui-même,
dans une quête sans fin de validation extérieure.

Et c’est précisément cette dépendance radicale
qui fait de ses relations un terrain de violence psychique :
séduction, captation, domination, puis dévalorisation.

Une identité sans fond

Le faux-self n’est pas une personnalité construite,
mais une mise en scène toujours à recommencer.

  • rien n’est stable

  • rien n’est unifié

  • rien n’est habité

Ce n’est pas l’identité qui soutient le masque,
c’est le masque qui tient lieu d’identité.

D’où :

  • la fatigue narcissique (il faut jouer sans cesse)

  • l’hypersensibilité à la critique

  • l’angoisse du vide

  • les réactions disproportionnées quand l’illusion se fissure

Un système défensif radical

Le faux-self sert à :

  • éviter le vide intérieur

  • anesthésier la honte et la vulnérabilité

  • donner l’illusion d’une cohésion psychique

  • maintenir un contrôle sur l’environnement

  • exploiter les autres pour nourrir l’estime de soi