Le faux-self
L’être humain se construit à partir d’un centre identitaire intérieur : un lieu psychique où se relient nos émotions, nos valeurs, nos choix et l’image que nous avons de nous-même.
Chez le pervers narcissique, ce centre intérieur est déficient : il ne peut pas s’appuyer sur son monde intime pour se sentir exister.
Là où les autres se vivent de l’intérieur, le pervers narcissique doit se fabriquer de l’extérieur.
Pour combler ce vide identitaire, il développe une construction artificielle basée sur les canons de la conscience collective ; la bienséance, perfection, gentillesse , etc : le faux-self
Le faux-self est une façade identitaire palliative à une structure interne déficiente. Elle est composée de :
qualités empruntées (courage, force, altruisme…)
modèles sociaux idéalisés (héros, penseur, sauveur…)
comportements appris et calculés
mise en scène permanente
Cet identité n’est pas vécue, elle est performé.
Le PN endosse le masque qu’il voudrait être.
Il incarne un rôle, mais n’a pas accès à la substance émotionnelle de ce qu’il prétend être. Ce n'est qu'argumentaire.
Le faux-self n’est pas seulement un masque social, c’est un système de clivage qui protège de la honte car le cerveau émotionnel est séparé du cerveau analytique.


Le faux-self - façade identitaire phantasmée
Une identité « par collage »
Comme il ne peut pas intégrer ses expériences internes, il construit son identité en copiant des références extérieur. Il ne s’identifie pas à ce qu’il ressent, mais à ce qu’il affiche.


Le masque
Il y a clivage :
Il sait une chose, mais il ressent le contraire.
Il y a projection : Il projette sur les autres ce qu’il ne peut pas reconnaître en lui.


Le pervers narcissique arbore un masque irréprochable : il se présente comme un être parfait, honorable, moral, sage et scrupuleux, dont la façade semble refléter toutes les vertus valorisées par la société. Derrière ce visage socialement impeccable, il déploie un discours où il se réfère constamment – tel un catalogue – aux valeurs morales collectives. Il se fait même l’ardent défenseur de principes universels, se positionnant parfois en champion de la justice, de l’altruisme ou de l’intégrité. Ce sont pourtant des références de façade : ces valeurs, il ne les ressent nullement de l’intérieur et ne les incarne jamais dans ses actes authentiques. Ce vernis de vertu ne lui sert qu’à renforcer sa stratégie d’emprise et de manipulation.
La réalité est toute autre : le PN intellectualise ces valeurs et les présente comme s’il les avait pleinement intégrées, mais elles ne sont pour lui qu’une liste de leviers argumentaires, des outils adaptatifs qu’il actionne selon ses besoins relationnels du moment. Son masque social n’est qu’un patchwork de valeurs empruntées à la conscience collective, un « faux-self » construit pour coller parfaitement aux attentes sociales et inspirer la confiance, tout en scellant son vide intérieur. Son apparence de bienveillance, de compréhension ou de droiture n’est qu’une construction froide, totalement fabriquée, qui lui permet de se fondre dans la masse, d’éviter d’être démasqué, et de servir ses propres intérêts au détriment d’autrui.
En société, le pervers narcissique excelle à donner le change, au point que son entourage ne soupçonne rien de la duplicité et de la fracture profonde entre son image et sa véritable personnalité. Ainsi, sous le masque du « défenseur des valeurs », il manipule, inverse les rôles et asservit les autres sous couvert de moralité, alors qu’il ne vit, au fond, qu’à travers un vide émotionnel et identitaire.


Le masque
Un patchwork de valeurs empruntées à la conscience collective
Le regard de l’autre : oxygène narcissique
Sans regard, il n’existe pas.
Le faux-self doit constamment être :
vu
admiré
envié
redouté (à défaut de respect)
C’est pourquoi il cherche une proie : quelqu’un qui va le valider, le nourrir, le refléter.
L’autre n’est pas un partenaire : c’est un miroir animé.
Si le miroir cesse de renvoyer l’image attendue →
effondrement narcissique → colère → attaque → dévalorisation
L’usage des autres comme prothèses identitaires :
L'identité psychique du pervers narcissique a besoin de se construire à travers les autres, non pas en lien sain, mais en les utilisant pour se valoriser, se sentir exister ou contrôler ce qu’elle ne peut pas gérer en elle.


Dans Blanche-Neige, la reine n’existe que dans la confirmation extérieure de sa beauté.
Elle a besoin du miroir pour savoir qui elle est
Si l’image est confirmée → elle va bien
Si l’image est menacée → elle devient destructrice
Le miroir = le regard de l’autre
La beauté = le faux-self (qualité empruntée, idéalisée)
Ce n’est pas une question d’esthétique, mais de survie narcissique :
« Si tu ne me renvoies pas l’image parfaite,
c’est toi que je dois éliminer. »
C’est exactement ce que vit le PN lorsque sa façade se fissure.
Ô Miroir, gentil miroir,
dis moi qui est la plus belle ?


Lorsque Napoléon se couronne lui-même empereur (Notre-Dame de Paris, 1804), il envoie symboliquement un message :
« Je ne tiens ma légitimité de personne.
C’est moi qui décide de ma propre grandeur. »
Dans une lecture « narcissique » (non clinique au sens psychiatrique) :
il s’arroge la grandeur sans demande de validation
il supprime le médiateur (l’Église, Dieu)
il incarne seul le pouvoir et sa propre image
C’est le fantasme du PN : être son propre miroir, son propre garant identitaire.
Mais — et c’est là la différence avec le PN pathologique :
Napoléon a réellement bâti quelque chose
(une œuvre, un système, une histoire)
Tandis que chez le PN :
la grandeur est vide
la construction est façade
l’image remplace l’être
Le phantasme du pervers narcissique : Etre Napoléon
Le sacre de Napoléon : auto-désignation de la grandeur
1- Comme référentiel comportemental interne
Il se dit intérieurement : « Pour paraître courageux, voilà comment je dois me comporter. »
Il imite des comportements attendus
Il copie des attitudes sociales valorisées
Il fait du role-playing psychique
C’est appris, calculé, stratégique.
2- Comme image de soi interne
Mais sans ressenti associé.
« Je suis courageux parce que c’est l’image que je dois avoir de moi. »
Il se raconte une histoire sur lui-même
Il s’identifie au personnage plutôt qu’à une expérience intime
Il confond symbole et substance
3 - Comme image publique / estime externe
C’est là le plus important pour lui : « Je vaux quelque chose si les autres reconnaissent ce personnage. »
Il exige l’admiration
Il surveille les réactions
Il attaque toute dissonance
Son estime de soi ne vient pas de lui : Elle dépend entièrement du regard extérieur.
Le PN utilise ces « étiquettes identitaires » sur trois niveaux en même temps :
Le faux self du pervers narcissique s’appuie sur un système identificatoire externe, constitué d’éléments empruntés : normes sociales, traits valorisés, postures morales.
Ces contenus ne sont pas vécus affectivement :
aucune cohérence interne,
aucune continuité personnelle,
aucune adhésion émotionnelle ou idéologique.
Ils fonctionnent comme un catalogue d’attributs instrumentalisés pour maintenir l’admiration extérieure et la cohésion narcissique.
Le sujet ne se soutient pas psychiquement de ces valeurs : il s’en sert pour être vu, non pour être.
Des étiquettes comme référentiels comportementaux
Le faux-self est au cœur du fonctionnement pervers narcissique.
Sans le regard de l’autre, le PN s’effondre ;
sans masque, il n’existe pas.
Il est condamné à vivre hors de lui-même,
dans une quête sans fin de validation extérieure.
Et c’est précisément cette dépendance radicale
qui fait de ses relations un terrain de violence psychique :
séduction, captation, domination, puis dévalorisation.
Une identité sans fond
Le faux-self n’est pas une personnalité construite,
mais une mise en scène toujours à recommencer.
rien n’est stable
rien n’est unifié
rien n’est habité
Ce n’est pas l’identité qui soutient le masque,
c’est le masque qui tient lieu d’identité.
D’où :
la fatigue narcissique (il faut jouer sans cesse)
l’hypersensibilité à la critique
l’angoisse du vide
les réactions disproportionnées quand l’illusion se fissure
Un système défensif radical
Le faux-self sert à :
éviter le vide intérieur
anesthésier la honte et la vulnérabilité
donner l’illusion d’une cohésion psychique
maintenir un contrôle sur l’environnement
exploiter les autres pour nourrir l’estime de soi

