Le vide psychique

Qu'est-ce que le vide psychique ?

Certaines personnes peuvent sembler très sûres d’elles, brillantes, confiantes… mais lorsqu’on les côtoie de plus près, on sent un profond malaise. Elles donnent l’impression d’être vides à l’intérieur, toujours en train de manipuler, contrôler ou rabaisser les autres. C'est le cas des pervers narcissiques. Mais que se passe-t-il en réalité dans leur vie intérieure ?

1. Ce que notre esprit a besoin pour se construire

Pour se sentir équilibré, une personne a besoin d’un noyau intérieur stable.
Ce noyau, c’est ce qui nous permet de dire :

"Je sais qui je suis, ce que je ressens, ce que je veux."

Ce noyau de stabilité intérieure, en psychologie, s’appelle le Moi.
Le Moi (ou noyau de la personnalité) permet :

  • de nous percevoir comme une personne cohérente dans le temps,

  • de distinguer ce qui vient de nous (nos émotions, pensées) de ce qui vient des autres,

  • d’organiser notre vie psychique, c’est-à-dire nos réactions, nos choix, nos relations.

Sans ce noyau, tout devient flou, instable, désorganisé. C’est un peu comme si l’on ne savait jamais si ce que l’on ressent nous appartient vraiment, ou si l’on n’existait que par ce que les autres nous renvoient.

2. Que se passe-t-il si ce noyau ne se forme pas bien dans l’enfance ?

Normalement, dans les premières années de la vie, ce Moi se construit petit à petit grâce à :

  • la reconnaissance de nos émotions par les adultes,

  • la possibilité d’être nous-mêmes sans être écrasés ni abandonnés,

  • le fait de sentir que nous sommes un individu à part entière, séparé de nos parents.

Mais chez certaines personnes, cette construction ne se fait pas correctement.
Il peut y avoir eu :

  • des parents envahissants, qui nient la différence entre eux et l’enfant,

  • des parents absents, instables ou dévalorisants,

  • ou des situations où l’enfant devait exister uniquement pour satisfaire l’autre.


Alors, la personne grandit en se forgeant une image séduisante ou solide pour les autres — mais sans développer de base stable dans sa vie affective ou dans sa façon de se comprendre elle-même. Elle peut impressionner par son aisance et son intelligence… mais vivre une profonde confusion dans son rapport à elle-même.

3. Ce qu’on appelle le "vide psychique"

Ce vide, ce n’est pas seulement un sentiment de solitude ou de tristesse. C’est un trou dans la structure psychique.
La personne ne ressent pas :

  • d’unité intérieure (elle ne sait pas qui elle est vraiment),

  • de continuité émotionnelle (ce qu’elle ressent change sans logique),

  • ni de repères internes solides (valeurs, désirs propres).

Elle a donc besoin de se construire à travers les autres, non pas en lien sain, mais en utilisant les autres pour :

  • se valoriser,

  • se sentir exister,

  • ou contrôler ce qu’elle ne peut pas gérer en elle.

4. Pourquoi le pervers narcissique projette ses défauts sur les autres

Le pervers narcissique ne supporte pas d’avoir des émotions négatives en lui. Il ne peut pas reconnaître qu’il est jaloux, méchant, faible ou dépendant.
Mais pourquoi ?

Parce que chez lui, il manque une capacité fondamentale appelée la différenciation entre soi et l’autre.
C’est la capacité de dire :

"Ce que je ressens m’appartient, ce que tu ressens t’appartient."

Cette étape, qui se développe normalement dès la petite enfance, est incomplète ou absente chez lui.
Du coup, il projette sur les autres ce qu’il ne peut pas reconnaître en lui :

  • Il dit que l’autre est jaloux, alors que c’est lui qui l’est.

  • Il accuse l’autre de manipuler, alors que c’est lui qui manipule.

  • Il reproche à l’autre d’être agressif, alors qu’il est lui-même dans l’attaque.

Ce mécanisme psychique s’appelle la projection.

5. Le clivage - Il sait... mais il ne ressent pas

Ce qui est troublant, c’est que le pervers narcissique peut être intelligent, cultivé, logique.
Il comprend très bien que les autres sont des personnes, qu’ils ont des besoins, qu’ils souffrent.

Mais sur le plan émotionnel et profond, il ne le ressent pas.
Pour lui, l’autre n’existe pas comme sujet autonome. Il est un outil, un danger, un miroir, mais jamais un être humain complet.

C’est ce qu’on appelle un clivage :

Deux vérités coexistent en lui sans se rencontrer.
Il sait une chose, mais il ressent le contraire.

Ce décalage crée une personnalité froidement rationnelle, mais émotionnellement déshumanisante.

6. Pourquoi il ne peut pas changer

On pourrait croire qu’en lui expliquant les choses, en l’aidant à voir ce qu’il fait, il changerait.
Mais ce n’est pas une simple question de volonté.

Le pervers narcissique est enfermé dans un fonctionnement où les processus de construction intérieure sont absents ou bloqués.
On dit en langage psychologique que certaines fonctions sont forcloses — c’est-à-dire qu’elles n’ont jamais été intégrées dans sa vie psychique.

Il ne peut pas ressentir l’autre comme sujet, non pas par choix, mais parce que son équilibre interne dépend de ce refus.

En conclusion

Le pervers narcissique est une personne qui n’a pas pu construire en lui un noyau stable de personnalité (le Moi).
Pour survivre psychiquement, il utilise les autres comme des supports extérieurs pour se sentir exister.
Il projette ce qu’il ne peut pas reconnaître en lui, et même s’il comprend rationnellement certaines choses, il ne peut pas les intégrer émotionnellement, car cela menacerait l’édifice défensif sur lequel il s’est construit.

« Leur Moi, fragile, menace à tout moment d’exploser, les livrant au morcellement de la psychose infiniment atroce et angoissant. Ils n’ont pas d’identité stable, leur personnage est une imposture dont les failles sont sans cesse à colmater. Ils se débattent donc comme des marins qui ont une avarie dans la coque pour ne pas se noyer. C’est un réflexe de survie ultime. »

Extrait du livre « Pervers Narcissique » de Anne Clotilde ZIÉGLER

« La personnalité perverse narcissique se construit autour d’un vide sidéral, autour d’un Moi totalement immature. Les manipulations, mensonges, comportements paranoïaques, violences psychologiques et physiques, les grandes capacités d’absorber les autres par la parole et tous les autres comportements limites ont pour seul et unique objectif de préserver son contrôle sur l’autre afin de se protéger lui-même. Tous ces comportements-là, et bien d’autres encore, sont des adaptations et des protections qui permettent au pervers narcissique de ne pas être happé par le vide qui constitue son centre et dans lequel il se disloquerait.

[…]

Et même si le pervers narcissique est en partie conscient de son comportement, son ego démesuré bâti sur l’angoisse de la dislocation de son Moi l’empêche de le reconnaître et donc d’y faire face.

Geneviève Schmit

Un bateau en perdition

Lorsque vous contredisez un pervers narcissique vous remplissez son bateau de l'eau qu'il s'éfforce d'écoper.

Vide sidéral