Centre identitaire défaillant

Le centre interne du pervers narcissique ne dispose pas d’une structure psychique suffisamment stable et intégrative pour retenir, lier et symboliser les contenus émotionnels qui devraient constituer l’identité du sujet.

Le vide psychique

Certaines personnes peuvent sembler très sûres d’elles, brillantes, confiantes… mais lorsqu’on les côtoie de plus près, on sent un profond malaise. Elles donnent l’impression d’être vides à l’intérieur, toujours en train de manipuler, contrôler ou rabaisser les autres. C'est le cas des pervers narcissiques. Mais que se passe-t-il en réalité dans leur vie intérieure ?

Que veut dire "Symboliser les contenus émotionnels" ?

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Lecture préalable conseillée

Le centre identitaire (sain)

Le noyau identitaire est affectif avant d’être conceptuel.

  • Le centre identitaire naît d’une expérience subjective de soi :
    être senti → être pensé → être raconté → être reconnu

  • L’identité se construit d’abord dans le ressenti (niveau émotionnel, corporel, relationnel)

  • Puis elle se symbolise et devient représentable par la pensée.

Résumé de ce qu'est le centre identitaire sain

Qu'est-ce que le vide psychique ?

Ce que notre esprit a besoin pour se construire

Pour se sentir équilibré, une personne a besoin d’un noyau intérieur stable.
Ce noyau, c'est la base par laquelle on se reconnait, c’est ce qui nous permet de dire :

"Je sais qui je suis, ce que je ressens, ce que je veux."

Ce noyau de stabilité intérieure, en psychologie, s’appelle le Moi.
Le Moi (ou noyau de la personnalité) permet :

  • de nous percevoir comme une personne cohérente dans le temps,

  • de distinguer ce qui vient de nous (nos émotions, pensées) de ce qui vient des autres,

  • d’organiser notre vie psychique, c’est-à-dire nos réactions, nos choix, nos relations.

Sans ce noyau, tout devient flou, instable, désorganisé. C’est un peu comme si l’on ne savait jamais si ce que l’on ressent nous appartient vraiment, ou si l’on n’existait que par ce que les autres nous renvoient.

Que se passe-t-il si ce noyau ne se forme pas bien dans l’enfance ?

Normalement, dans les premières années de la vie, ce Moi se construit petit à petit grâce à :

  • la reconnaissance de nos émotions par les adultes,

  • la possibilité d’être nous-mêmes sans être écrasés ni abandonnés,

  • le fait de sentir que nous sommes un individu à part entière, séparé de nos parents.

Mais chez certaines personnes, cette construction ne se fait pas correctement.
Il peut y avoir eu :

  • des parents envahissants, qui nient la différence entre eux et l’enfant, (inceste et incestuel)

  • des parents absents, instables ou dévalorisants,

  • ou des situations où l’enfant devait exister uniquement pour satisfaire l’autre.


Alors, la personne grandit en se forgeant une image séduisante ou solide pour les autres — mais sans développer de base stable dans sa vie affective ou dans sa façon de se comprendre elle-même. Elle peut impressionner par son aisance et son intelligence… mais vivre une profonde confusion dans son rapport à elle-même.

La pathologie de la contenance narcissique

Ce qu’on appelle le "vide psychique", ce n’est pas seulement un sentiment de solitude ou de tristesse. C’est une défaillance psychique. C'est un vide de structure qui empêche le pervers narcissique d'intégrer les contenus émotionnels en lui. À l’intérieur, il n'y a pas d'accroche, rien ne tient : ce qu’il ressent, ce qu’il vit, ce qu’il pense — tout glisse, rien ne s’assemble pour composer le noyau d'une identité solide. Ce déficit de contenance interne entraîne une déliaison du vécu de soi : les émotions, les besoins et les représentations restent dissociés, non assimilés. C'est la pathologie de la contenance narcissique

La personne ne ressent pas :

  • d’unité intérieure (elle ne sait pas qui elle est vraiment),

  • de continuité émotionnelle (ce qu’elle ressent change sans logique),

  • ni de repères internes solides (valeurs, désirs propres).

Pour survivre psychiquement, le sujet doit alors recourir à des palliatifs externes (clivage, faux self, contrôle de l’autre), qui jouent le rôle de remplacements artificiels de cette structure du Moi défaillante. Il a besoin de se construire à travers les autres, non pas en lien sain, mais en utilisant les autres pour :

  • se valoriser,

  • se sentir exister,

  • ou contrôler ce qu’elle ne peut pas gérer en elle.

On peut comparer la construction identitaire à une jarre destinée à contenir l’eau de nos émotions, de nos pensées et de nos expériences.
Chez une personne psychiquement stable, cette jarre est solide : elle retient l’eau, permet d’éprouver la continuité intérieure, de relier ce que l’on ressent aujourd’hui à ce que l’on a vécu hier, et d’en faire une identité cohérente.

Chez le pervers narcissique, la jarre est fêlée. Rien ne tient : les émotions s’échappent, les expériences ne s’intègrent pas, la vie intérieure se disperse.
Pour compenser ce vide et tenter de se sentir exister, il doit sans cesse aller chercher à l’extérieur de quoi se remplir : dans le regard, l’admiration ou la dépendance d’autrui.

« La personnalité perverse narcissique se construit autour d’un vide sidéral, autour d’un Moi totalement immature. Les manipulations, mensonges, comportements paranoïaques, violences psychologiques et physiques, les grandes capacités d’absorber les autres par la parole et tous les autres comportements limites ont pour seul et unique objectif de préserver son contrôle sur l’autre afin de se protéger lui-même. Tous ces comportements-là, et bien d’autres encore, sont des adaptations et des protections qui permettent au pervers narcissique de ne pas être happé par le vide qui constitue son centre et dans lequel il se disloquerait.

[…]

Et même si le pervers narcissique est en partie conscient de son comportement, son ego démesuré bâti sur l’angoisse de la dislocation de son Moi l’empêche de le reconnaître et donc d’y faire face.

Geneviève Schmit

Vide sidéral

« Leur Moi, fragile, menace à tout moment d’exploser, les livrant au morcellement de la psychose infiniment atroce et angoissant. Ils n’ont pas d’identité stable, leur personnage est une imposture dont les failles sont sans cesse à colmater. Ils se débattent donc comme des marins qui ont une avarie dans la coque pour ne pas se noyer. C’est un réflexe de survie ultime. »

Extrait du livre « Pervers Narcissique » de Anne Clotilde ZIÉGLER

Un bateau en perdition

Lorsque vous contredisez un pervers narcissique vous remplissez son bateau de l'eau qu'il s'éfforce d'écoper.

Le pervers narcissique peut être comparé à une coquille vide : une forme extérieure soigneusement préservée, mais dont l’intérieur est déserté.
Cette coquille, c’est son image — brillante, séduisante, apparemment pleine de confiance. Mais derrière cette façade, il n’y a pas de substance intérieure à laquelle se relier, pas de sentiment d’unité ou de continuité.

Tout ce qui devrait venir de l’intérieur — la sécurité, la valeur, la reconnaissance — doit être capté à l’extérieur.
Le regard d’autrui devient alors vital : il sert à remplir, même provisoirement, le vide que le sujet ne peut habiter lui-même.
Ce vide n’est pas seulement un manque affectif : c’est une absence de structure interne, un lieu où rien ne tient, où l’être ne peut se reposer sur lui-même.

Le Syndrome de la Coquille vide

L’identité ne se construit pas d’abord dans la tête, mais dans le corps et dans le cœur.
On se sent exister avant de pouvoir se penser.

Chez le sujet narcissique pathologique, le ressenti intérieur n’a pas pu s’organiser en une base solide. La pensée sur soi est sans repère et doit être soutenue par une image extérieure idéalisée : Le faux-self !

Que veut dire "Symboliser les contenus émotionnels" ?

Percevoir ce qui se passe en soi
(« Je sens quelque chose »)

Identifier l’émotion
(« C’est de la tristesse, pas de la colère »)

Relier à une cause ou une histoire
(« Je suis triste parce que je me sens abandonné »)

Pouvoir en parler ou y penser
(« J’ai besoin de soutien »)

L’émotion devient pensable, compréhensible, gérable.

Exemple simple

Sans symbolisation :

J’ai mal au ventre, je m’agace, je crie sur tout le monde.
(je ne comprends pas ce qui se passe, c’est insupportable)

Avec symbolisation :

« Je suis angoissé parce que j’ai peur de perdre mon travail »
(je peux chercher une solution, demander de l’aide)

Ce qui se passe chez le pervers narcissique

L’émotion reste au stade brut :
inquiétude → honte → terreur archaïque.

Mais comme il ne peut pas :

  • la reconnaître,

  • la relier à une cause,

  • en parler sans se sentir diminué…

Elle devient un danger interne, un feu dans la maison sans détecteur.

Alors il doit l’expulser hors de lui :

  • en déniant : « Ce n’est pas vrai ! »

  • en attaquant : « C’est TA faute ! »

  • en se défendant : manipulation, projection, clivage…

L’émotion est rejetée sur l’autre parce qu’elle ne peut pas être pensée.

La coquille vide » : qu’est-ce que ça signifie vraiment ?

Cette expression ne veut pas dire que le PN n’a aucune vie psychique.
Elle désigne le fait que l’intérieur n’est pas habitable, pas unifié, pas utilisable, pas fiable pour lui-même.

En d'autres mots

Chez le pervers narcissique, l’espace psychique interne est désinvesti.
Les contenus émotionnels profonds — besoins d’attachement, honte, manque, vulnérabilité — sont désorganisés et massivement rejetés hors du Moi (refoulement, déni, projection).

Conséquences

Absence d’unité interne
Pas de sentiment continu d’être la même personne.

Absence d’auto-contrôle émotionnel interne
Les affects ne sont pas reconnus ni symbolisés, donc agissent en coulisses.

Absence d’auto-nourrissement narcissique
Il ne peut pas s’aimer de l’intérieur → dépendance au regard extérieur.

L’appareil psychique interne n’est plus un lieu où vivre, mais un lieu à fuir. On parle alors de coquille vide : la structure externe existe, mais le dedans est abandonné.

Le PN, c’est quelqu’un qui :

  • ne peut pas se “poser” avec lui-même

  • ne se sent pas exister sans témoin

  • ne trouve aucune sécurité dans son monde intérieur

  • ne supporte pas ce qu’il ressent au fond de lui

  • se défend contre lui-même

Résultat :
Il doit remplir la coquille par ce qu’il obtient des autres :
admiration, contrôle, pouvoir, influence, attention…

Sans ça → il se sent vide, inutile, transparent, mort psychiquement.

On dit que le pervers narcissique est une « coquille vide » parce que son identité interne est désertée de ses contenus affectifs.


Ne pouvant se soutenir de lui-même, il doit se construire à l’extérieur, dans le regard des autres, pour ne pas s’effondrer psychiquement.

Eléments de compréhension