Les structures de l'être

La notion de «structure» offre un pont précieux entre sophrologie, psychanalyse, psychologie et phénoménologie, dès qu’on la comprend comme une façon d’organiser l’unité corps‑esprit.​

Un noyau commun : totalité organisée et stable

Dans les domaines de la psychopathologie structurale, psychanalyse, phénoménologie, psychologie cognitive incarnée, la notion de structure renvoie à l’idée d’une totalité organisée, faite de parties en relation, qui se maintient à travers les changements.​


Henri Ey, par exemple, définit la structure en psychopathologie comme un système de parties articulées formant une totalité relativement constante, par opposition à un «atomisme» qui ne verrait que des éléments isolés (symptômes, traits, comportements).

Cette définition est suffisamment générale pour englober :

  • les structures de personnalité (névrotique, psychotique, états‑limites) comme modes d’organisation du psychisme ;​

  • les structures de la conscience en phénoménologie (intentionnalité, temporalité, corporéité) comme invariants de l’expérience ;​

  • et, dans ton usage sophrologique, les «structures positives» corps‑esprit (schéma corporel, régulation émotionnelle, style de présence au monde) comme architecture d’ensemble du sujet.​

Sur ce plan, l'argumentaire expose un fond théorique partagé :

Structure = organisation globale, relativement stable, qui dépasse la somme de ses contenus.

Les notions de structure

en sophrologie

en psychanalyse et psychopathologie

en psychologie scientifique

en phénoménologie

Structure en psychopathologie

Voici la définition que donnait Henri Ey dans son fameux traité des Hallucinations : L'usage du terme "structure" consacre une réaction contre l'atomisme psychologique. La notion de structure implique celle d'un système de parties articulées dans une totalité et survivant à ses transformations. Totalité et constance désignent les attributs fondamentaux de la structure.

Cette section a pour objet de mettre en lumière les points communs de la notion de structure tels qu’ils apparaissent dans différents domaines de la santé psychique et corporelle. 

Il s’agit d’architectures profondes relativement stables, qui ne se réduisent ni à une liste de symptômes, ni à des traits de caractère ; elles organisent la manière de souffrir, d’aimer, de se défendre et d’entrer en relation.​

La psychopathologie structurale parle alors de «structure de personnalité» ou de «structure psychique» pour désigner cet agencement interne global (névrotique, psychotique, états-limites, structures narcissiques, etc.).​

Ce registre rejoint ton travail sur la perversion narcissique : la «structure perverse» n’est pas seulement un comportement toxique, mais un mode d’organisation de la psyché, de la morale et du rapport à l’autre.​

Même si ces disciplines se centrent davantage sur la pathologie que sur le potentiel, elles partagent avec la sophrologie l’idée qu’il existe des modes d’organisation profonds, plus fondamentaux que les manifestations de surface.​

Là où la sophrologie parle de renforcement des structures positives de la conscience, la psychanalyse s’intéresse plutôt à la reconnaissance et au maniement des structures de souffrance, pour éviter la confusion diagnostique et adapter l’accompagnement.​

Structures psychiques en psychanalyse et psychopathologie

La psychanalyse, surtout dans la lignée freudo‑lacanienne, parle de «structures» (névrotique, psychotique, perverse) comme de grands modes d’organisation du sujet : façon singulière de traiter le conflit, le manque, la loi, le désir, le langage.​

Structures de personnalité en psychologie scientifique

En psychologie de la personnalité, on retrouve la notion de structure sous une forme plus descriptive et empirique (modèles dimensionnels, structures de traits, organisations tempérament‑caractère).​

Les «structures de personnalité» y désignent des schémas stables de perception, d’émotion et de comportement, qui orientent la manière de répondre au stress, d’entrer en relation, de se représenter soi‑même et le monde.​

Les recherches en psychologie de la santé et en psychoneuroimmunologie montrent que ces organisations durables (pessimisme appris, alexithymie, styles d’attachement, impulsivité, etc.) ont des corrélats biologiques : activation chronique des systèmes de stress, modulation immunitaire, vulnérabilité cardiovasculaire, altération du sommeil.​

On retrouve là l’intuition centrale de ton site : certaines façons d’être au monde et à soi (structure de personnalité, modes de régulation émotionnelle) se traduisent concrètement dans la biologie du corps et dans la santé à long terme.​

Structures de la conscience en phénoménologie

La phénoménologie (Husserl, Merleau‑Ponty, puis les courants contemporains) parle de «structures de la conscience» : intentionnalité (être toujours conscience de quelque chose), temporalité (passé‑présent‑avenir), corporéité vécue, intersubjectivité.​

Ces structures ne sont pas des couches anatomiques, mais des invariants de l’expérience : la manière dont le monde, les autres et soi‑même se donnent à la conscience, à travers le corps vécu (Leib) et non seulement le corps‑objet (Körper).​

La sophrologie s’inscrit explicitement dans cette filiation : la conscience est conçue comme une présence au monde incarnée, structurée par le corps, le temps, l’espace et les valeurs.​

Tes rubriques sur «l’être‑au‑monde», la «réalité et le phénomène» ou «la connexion corps‑esprit – système somatosensoriel» s’accordent directement avec cette vision phénoménologique d’une structure de l’expérience plutôt que d’un simple contenu mental.​

La notion de «structure» en sophrologie

En sophrologie, parler de structure revient à parler des «structures positives de la conscience» : ce qui, en chacun, soutient la santé, la stabilité intérieure, la capacité d’adaptation et de sens.​

Cela inclut à la fois des structures corporelles (schéma corporel, systèmes corporels, tonus, respiration) et des structures psychiques (attention, mémoire, régulation émotionnelle, confiance, valeurs, projet de vie), conçues comme un tout indissociable.​

Dans cette perspective, renforcer les structures signifie consolider l’architecture intime qui permet à la personne de faire face aux tensions de l’existence sans se désorganiser.​

Cela rejoint directement l’idée de renforcer l’homéostasie corps‑esprit et de soutenir une adaptation souple aux exigences du réel.​

Voir l'article sur la cognition incarnée

Le corps comme structure vivante

La sophrologie travaille avec une cartographie fonctionnelle du corps qui sert de support à la conscientisation progressive de la corporalité.​

Le corps n’est pas seulement une enveloppe, mais la forme vivante à travers laquelle se structurent le vécu, la présence à soi, la capacité à habiter le monde : tonus musculaire, respiration, posture, rythme interne expriment l’état de la conscience et, en retour, la modèlent.​

Sur le plan théorique, cela rejoint les notions contemporaines de cognition incarnée: les processus cognitifs et émotionnels ne sont plus vus comme «dans la tête», mais comme distribués dans tout l’organisme, en interaction constante avec l’environnement.​

Parler de structure en sophrologie, c’est donc déjà parler d’une bio‑psychologie vécue : comment une certaine orientation de la conscience s’inscrit dans le tonus, les sensations, les micro‑attitudes corporelles, et comment un travail sur ces dernières réorganise le vécu psychique.​

Vers une bio‑psychologie incarnée : ce que la sophrologie apporte

Ce qui fait la spécificité de la sophrologie, c’est la manière dont elle articule ces différents niveaux en pratique :

  • Sur le plan phénoménologique, elle part de la conscience comme structure vivante, incarnée, toujours située dans un corps, un temps, un monde, des valeurs.​

  • Sur le plan psychique, elle rejoint les approches structurales en considérant que l’être humain s’organise autour de noyaux relativement stables (confiance de base, image de soi, style de relation, système de valeurs) que l’on peut consolider plutôt que simplement «corriger» des symptômes.​

  • Sur le plan corporel et biologique, elle travaille directement sur les voies somatiques de la régulation (respiration, tonus, perception intéroceptive, ancrage sensoriel) qui influencent les systèmes neurovégétatif, endocrinien et immunitaire.​

La sophrologie peut être présentée comme une pratique de «structuration incarnée» : elle ne se contente pas de parler de structure au niveau théorique, elle propose un entraînement régulier du corps et de la conscience qui vise à :

  • stabiliser l’axe corps‑psyché (homéostasie corps‑esprit) ;​

  • renforcer les structures positives (confiance, présence, capacité d’auto‑apaisement, cohérence avec ses valeurs) ;​

  • diminuer l’emprise des structures de souffrance (schémas défensifs rigides, hypervigilance, scénarios relationnels destructeurs)

Le mot «structure» n’est pas un jargon isolé de la sophrologie : il traverse la psychanalyse, la psychopathologie, la psychologie scientifique et la phénoménologie, et la sophrologie en propose une mise en pratique cohérente, orientée vers le renforcement de l’architecture vivante corps‑esprit qui rend possible une existence plus lucide, plus libre et plus humaine.